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Eboueurs : absentéïsme - pourquoi ? (réseau ANACT)

Dans une grande ville, le service de la propreté est confronté à un problème d'absentéisme dont les raisons profondes divisent les salariés. Révélateur d'un problème de régulation de la charge de travail pour les uns, difficulté liée au rajeunissement des salariés pour les autres… Eclaircissements.

  • Effectif : 6000
  • Activité : Service urbain de la propreté
  • Région : National
  • Mise à jour : 26/05/08
  • Réf : 415
  • Plus d'infos sur ce cas

Présentation

Le service propreté de cette grande ville emploie plus de 1 000 salariés pour le ramassage des ordures ménagères.

Demande de l'entreprise

Le service connaît une forte montée de l'absentéisme qui pose d'importants problèmes d'organisation. Les absences répétées seraient le fait du rajeunissement des effectifs et du désengagement des jeunes vis-à-vis de leur travail. D'autant que la pénibilité du métier d'éboueur est une réalité. Qu'en est-il vraiment ?

Démarche

Pourquoi s'absentent-ils ? La réponse semble simple : par refus du travail et de ses contraintes. Pourtant, au fil des entretiens, le doute s'installe pour laisser place à d'autres explications, dont celle d'un problème de régulation de la charge de travail.

Objectif de ces entretiens : déterminer de quelles façons les personnes sont touchées par l'absentéisme ; appréhender les principales contraintes vécues de travail ; connaître l'état de santé et les conditions de travail. L'accent est également mis sur les trajectoires professionnelles, ce qui permet de souligner que le travail d'éboueur n'est pas un choix : « On y entre en attendant mieux ou faute de mieux », « Il n'y a pas de perspectives ». C'est dire qu'aucune valorisation n'est attachée à cet emploi, ce qui constitue un premier écueil.

L'analyse démographique ne démontre pas le rajeunissement attendu. La distribution des âges est relativement homogène, avec une concentration des effectifs sur les âges moyens (de 30 à 49 ans). Les plus jeunes ne sont pas légions alors qu'il sont considérés comme l'explication de l'absentéisme de ces dernières années.
En revanche, les agents les plus anciens font souvent référence à l'évolution de la nature de la charge de travail : elle s'est déplacée des difficultés physiques grâce à la généralisation de conteneurs, vers des contraintes de rythme – travail est plus rapide –, de rapport aux riverains et de circulation.

Le problème ne relève pas tant d'une pénibilité physique facile à objectiver (tant de tonnes à manipuler, distance à parcourir) que de conditions subjectives dans lesquelles s'exercent le métier. Un jeune agent, s'exprimant lui aussi sur l'évolution de la pénibilité, souligne que le travail peut s'avérer usant. Il s'agit de gagner du temps : « Nous, des fois, à la collecte, on tente d'aller "speed". Pour l'encadrement, les charges sont moins importantes, donc il en donne plus et on se sent obligé d'aller vite ».

En fait, la charge prescrite (nombre de tonnes à enlever, territoires à parcourir…) ne prend pas en compte tous les aléas pouvant survenir durant la tournée. Pour parer à toute éventualité, les salariés accélèrent d'eux-mêmes le rythme. On est ici typiquement dans un conflit concernant la régulation de la charge de travail. Entre régulation autonome et régulation de contrôle, il ne s'agit pas de dire qui, de l'encadrement et des salariés, a raison ou a tort. Pour l'encadrement, cette situation montre que les salariés peuvent en faire plus ou qu'ils prennent des risques en réalisant l'activité, autant pour leur santé que pour le respect des règles du code de la route.

La
solution ne passe pas dans un rappel autoritaire de la règle : il faut créer les conditions d'un débat collectif. Il permettrait de mettre en valeur aussi bien les contraintes propres à la charge réelle de travail que les nécessités du service (les règles de sécurité, le code de la route, le "poids" des tournées, la qualité du service, etc.). Il ne s'agit pas de faire plus – ou moins –, mais de susciter un dialogue autour de la régulation de la charge de travail.

Bilan

Pour améliorer la situation et diminuer l'absentéisme, des pistes de travail ont été proposées. Parmi elles : rediscuter le rôle de l'encadrement de proximité et des marges de manoeuvres dont il dispose. Le propre du métier de cet encadrement de proximité, c'est de mettre en adéquation les règles prescrites avec les possibilités concrètes. Le chef d'équipe se trouve sur le fil du rasoir entre arrangements nécessaires et formulation de nouvelles règles. Il est alors indispensable de préciser ce que l'on attend d'eux et de différencier ce qui est permis de ce qui ne l'est pas. En tout cas, il faut éviter de faire jouer à cet encadrement le seul rôle de prescripteur du travail auprès des agents : ce serait limiter leur rôle et ne pas permettre qu'une véritable appropriation des règles s'opère.
Enfin, l'importance de la valorisation des parcours professionnels doit être considérée comme un levier pour offrir à ces salariés peu reconnus des perspectives d'évolution.

Auteur

Thierry ROUSSEAU, chargé(e) de mission, ARACT Corse

Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail.

 



11/06/2008

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